A bicyclette… (Bastia journal, La Corse à bicyclette, 28 avril 1913)
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Le 28 avril 1913, Bastia journal n'hésita pas à consacrer sa une à « La Corse à bicyclette », entièrement dédiée au tourisme vélocipédique. Ainsi, si l’on en croyait la presse de l’époque, la Corse serait devenue en l’espace de quelques années, le terrain de jeu de ce que l’on n’appelait pas encore le cyclotourisme. Il faut nuancer cet enthousiasme journalistique car, bien que réel, l’engouement restait néanmoins limité comparativement à ce qui se passait ailleurs en France et en Europe. Ce type de tourisme était à rapprocher des pratiques apparues vers 1869 qui voyaient « d’intrépides aventuriers sillonn[er] l’Europe en utilisant la bicyclette […] Ces aventuriers vivent cette liberté inédite d’aller là où leurs rêves les portent. (1) » Il n’y avait pas que cela, on n’oubliera pas, dans cette vision nouvelle, l’aspect patriotique car il s’agissait également de « Parcourir la nation (2) » dans sa diversité, de s’imprégner de ses paysages, de ses habitants, de leurs mœurs, sorte de prolongement des leçons de l’école publique sur le modèle du fameux livre « Le Tour de France par deux enfants » ; la bicyclette devenait le moyen par excellence de remplir cette œuvre patriotique sous couvert touristique.
Le guide Joanne, marqua à sa manière, l’entrée ’’officielle’’ de l’île dans le tourisme cycliste. En effet, en 1898, pour la première fois, le volume consacré à la Corse se faisait l’écho de cette mutation en consacrant un appendice aux plaisirs vélocipédiques locaux, faisant figurer en fin de volume un texte sur « La Corse à bicyclette », rédigé par A. Courtet, professeur au lycée de Bastia et délégué départemental du Touring Club de France (TCF) ; texte reproduit et enrichi dans les différentes éditions. Ainsi, progressivement, des circuits se mirent en place, dont les guides touristiques se faisaient l’écho, instaurant des lieux incontournables pour tout cycliste qui se respectait.
Les Français ne furent pas les seuls à traverser l’île sur leur machine, à l’instar de ce qui se passa pour la montagne, de nombreux Européens visitèrent le pays jusqu’en 1914. Au début de 1905, Eugène Carniaux, vice-président du Touring Club de Belgique passa 18 jours à parcourir la Corse ; de retour chez lui, il tint plusieurs conférences avec projections lumineuses sur le thème : « À travers la Corse à bicyclette. » Les Américains ne manquèrent pas à l’appel et, en 1901, le newyorkais Burton Holmes, passa plusieurs semaines dans l’île. À l’instar des autres voyageurs, Holmes voyait dans la Corse un lieu idéal pour les cyclistes, une sorte de terre vierge pour les touristes à bicyclette : this terra incognita, so full of promise to the traveler and touring cyclist, dans des décors d’une beauté à couper le souffle. The scenic beauty of the route is ample recompense for any discomfort.
Mais il y avait le revers de la médaille et, pour tous ces voyageurs, la tête trop souvent pleine de récits marqués du sceau de Colomba ou des feuilletons journalistiques sur « les bandits corses », sans parler du théâtre et du cinéma, l’île demeurait un espace potentiellement dangereux et se résumait trop souvent à n’être que the land of the Vendetta (le pays de la vendetta.) Si bien que malgré leur bonne volonté, les touristes adeptes de « la petite reine » contribuèrent à renforcer les stéréotypes sur la Corse et ses habitants. (Didier Rey)
1. Rüdiger Rabenstein, « Aux origines du Tour de France », Histoire et sociétés , n°7, juillet 2003, p.13.
2. AnneMarie Thiesse, La création des identités nationales. Europe XVIIIème –XXème siècle, Paris, Seuil Point
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Table des matières
Sommaire de l’exposition :
- Présentation
- Jacques Gaudin « Je te salue ô Niolo » (1787) - Eugène F.-X. Gherardi
- Lord Byron en Corse : une mystification (1825) - Francis Beretti
- La Corse d’Eugène Rosseeuw Saint-Hilaire : nouvelles, lettres et essai (1826-1831) - Eugène F.-X. Gherardi
- Balzac dans les rues ajacciennes « S’occuper de Napoléon, n’est-ce pas s’occuper de votre ile ? » (1838) - Christophe Luzi
- Gioacchino Prosperi « La Corsica e i miei viaggi in quel isola » (1839-1843) - Eugène F.-X. Gherardi
- Prosper Mérimée « Une profonde obscurité couvre les premiers âges de la Corse » (août-octobre 1839) - Christophe Luzi
- La Corse de Gustave Flaubert : impressions de voyage (1840) - Christophe Luzi
- Alexandre Dumas « Mais la Corse est encore bien loin d’être la France » (mars 1841) - Christophe Luzi
- Ferdinand Gregorovius « Le charme poétique de cette nuit devait se prolonger encore » (14 lugliu - 5 settembre 1852) - Eugène F.-X. Gherardi
- Jean-Ange Galletti, Histoire illustrée de la Corse (1868) - Eugène F.-X. Gherardi
- Les voyages d’Edward Lear en Corse (1868) - Francis Beretti
- Gaston Vuillier, Les îles oubliées (1893) - Denis Jouffroy
- Jean Lorrain « Je t’écris touché, le bleu du golfe et le violet des montagnes apparu à ma double fenêtre » (janvier 1901) - Francis Beretti
- Whistler à Ajaccio en 1901 : Une « charmante petite île » - Francis Beretti
- Tournant de la marine. La Corse de John-Antoine Nau (1909-1916) - Eugène F.-X. Gherardi
- A bicyclette… Bastia journal : la Corse à bicyclette (28 avril 1913) - Didier Rey
- Dorothy Carrington « J'ai trouvé un peuple triste, pauvre, fier et fraternel » (ghjugnu 1948) - Eugène F.-X. Gherardi
- Ernst Jünger « La métamorphose des côtes en grande véranda Estivale » (1966) - Jean- Dominique Poli